Le 16 juin 2011, sous l’aimable insistance de mes collaborateurs, je créais mon compte  Facebook.

Cinq ans plus tard, fort de plus de 3000 « amis », quelle est mon expérience du plus grand réseau social du monde ?

Au début, il s’agissait d’un simple outil de communication à visée, avouons le, politique et électorale. Le compte était géré par mes proches qui ont choisi ma photo de profil, précisé mes centres d’intérêts, “récolté” des amis, et mis à jour mes statuts.

Mais peu à peu, j’ai appris à maîtriser personnellement cette application.

Ma première photo de profil...

Ma première photo de profil…

Désormais installée sur mon téléphone et ma tablette, je consulte plusieurs fois par jour mon compte. Depuis plusieurs années, j’écris personnellement mes statuts (tout le monde aura remarqué que j’ai du mal avec les accents et les apostrophes !), je poste des photos et il m’arrive même de répondre sur messenger

Je mets comme photo de couverture des images de forets qui changent en fonction de la saison. Sans véritable raison, uniquement parce que je trouve ces images belles et reposantes.

Parmi mes 3 000 amis, il y a des personnes que je connais, d’autres que je connais très bien, d’autres encore que je ne connais pas du tout…  

Facebook m’a parfois donné l’impression d’être en relation avec le monde, avec la société, avec les gens. Cette impression est à la fois fascinante et terrible. Fascinante car quel homme politique n’a pas un jour rêvé d’avoir une image, une photo de la société qu’il envisage de comprendre, de représenter, d’améliorer?

Mais cette fascination est aussi trompeuse.

fb 2

Je n’oublie pas que ce qui défile sous mes yeux n’est qu’une partie de la société, qu’une partie du monde.

Celle qui est connectée et celle qui parle. Bien sûr, cette partie du monde ne cessera d’être toujours plus importante et les réseaux sociaux vont toujours plus alimenter les politiques, leurs analyses, leurs programmes, leurs communication.

Mais je sais aussi que  le monde, le vrai, ne sera jamais réductible à une Timeline, à un « mur de statuts ».

Ce que je vois sur facebook est aussi parfois terrifiant.

En plus de l’actualité personnelles – parfois intime – de mes “amis”, à coté des sujets d’actualité classique, je vois régulièrement apparaître des polémiques que je ne rencontre que sur ce réseau.

Au début je ne comprenais pas ce que je voyais. Et puis il a fallu que j’accepte de voir passer, au hasard de mon actualité, des informations fausses, des rumeurs, des appels à la haine à peine masqués, de pures inventions, des images horribles, les preuves d’un complot toujours plus invraisemblable…

Mon âge, ma formation, les explications de mes proches me permettent de faire le tri et de ne pas prendre pour argent comptant les nouvelles du Gorafi.

Mais à coté de ce site ouvertement humoristique, combien de sites, de Wikistrike à Panamza en passant par Egalité & réconciliation, se complaisent à amplifier toutes les théories du complots ?

Je pense aux jeunes ou aux personnes qui n’ont pas pu bénéficier d’une éducation qui leur permette de faire ce travail de tri, de  mise à distance. Quelle image du monde peuvent elle avoir si elles prennent pour argent comptant ce qui se déroule sous leur yeux ?

bannière printemps 2016

bannière printemps 2016

J’ai aussi fait l’expérience de la soudaine cristallisation sur un statut que je pensais anodin.

Tout à coup, les commentaires se multiplient, les uns répondant au autres, chacun ayant la certitude de la vérité, tous invectivant chacun…

Je me suis retrouvé dans cette situation désarmante de vouloir expliquer, de vouloir raisonner, mais de ne pouvoir répondre sans être pris dans un flot sans fin de réponses et d’altercation.

Mon long apprentissage de la délibération collective à l’école puis au sein de mon parti ne m’était que de peu d’aide perdu au milieu des trolls qui m’assaillaient de toute part.

J’ai du me résoudre au silence et si je lis chacun des commentaires, je m’astreins désormais à ne presque jamais répondre.

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Le décès d’Umberto Eco a été l’occasion de mettre en avant certaines de ses citations les plus célèbres. Comme souvent sur internet, il est difficile de savoir celles qui sont réelle de celles qui ont été inventées pour l’occasion. Le romancier aurait donc déclaré dans le journal suisse Le Temps :

“Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix nobel”

Je conçois ce que ce droit sans limite à la parole peut avoir de terrifiant pour tous ceux dont l’argumentaire et le débat raisonnable est le coeur de métier.

Je sais aussi combien il a été tentant de diaboliser les réseaux sociaux pour mieux les décrédibiliser : drogue, prostitution et djiadisme seraient leur fond de commerce.

Pour autant, je reste persuadé que ces nouvelles formes de socialisation complètent et amplifient la richesse d’une société.

Il ne reste plus qu’à apprendre et former chacun à leur usage.

« Vaste programme« , aurait dit un ancien président de la République, mais on peut essayer ensemble, non ?

 

 

* le titre de ce post est une illustration de la guerre que se livrent certains site pour capter l’attention des internautes. Je ne suis pas un « attention whore » mais je souhaitais que vous vous arrêtiez pour lire ces lignes. Si vous lisez ceci, c’est que j’ai réussi !