L’Assemblée nationale a examiné, en séance plénière, ce vendredi 22 novembre, le projet de loi de programmation pour le Ville et la Cohésion urbaine. Dans ce cadre, je suis intervenu lors de la discussion générale, en tant que responsable de ce texte pour le groupe socialiste :

M. le président. La parole est à M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans le préambule de son livre La Marche, Christian Delorme, connu comme étant le curé des Minguettes, rappelle une réalité qui n’est sans aucun doute pas propre au quartier des Minguettes, à Vénissieux : « Certes des transformations importantes sont en cours. Néanmoins, la lutte contre la ghettoïsation de cette zone est loin d’être gagnée. Malgré les avenues remodelées, les tours réhabilitées, les nouvelles constructions, les nouveaux espaces créés, les Minguettes de Vénissieux portent les marques d’une histoire mouvementée. Une histoire empreinte d’espoirs déçus, de discriminations, de violences racistes, mais aussi d’actions de solidarité. »

C’est là effectivement, en 1983, qu’est née la Marche pour l’égalité et contre le racisme, dont je veux ici saluer le trentième anniversaire cette année.

M. Christian Assaf. Très bien !

M. Yves Blein. C’était une belle aventure – partis à dix-sept de Marseille, ils sont arrivés 100 000 à Paris – une aventure fraternelle pour une France fraternelle, comme le dit le curé des Minguettes, qui nous laissera en héritage – car c’est bien là qu’elle est née – ce que l’on appelle aujourd’hui la politique de la ville. Cette politique, à laquelle François Mitterrand donnera corps, se matérialisera d’abord par cette espèce d’OVNI institutionnel, un ministère sans administration, auquel beaucoup ne donnèrent que peu d’avenir. C’était il y a plus de vingt ans. La démonstration de son utilité et de la pertinence de la vision qui avait alors conduit à sa création est désormais faite. Cependant, les gouvernements successifs ont complexifié cette politique, jusqu’à la rendre quelque peu inaudible et incompréhensible. C’est ce qu’indique la Cour des comptes, qui dresse un sévère bilan des dix dernières années en matière de politique de la ville. Elle insiste en particulier sur « la très grande complexité des zonages et la multiplication des procédures mal articulées ».

Le constat est donc clair : la politique de la ville, celle menée en particulier cette dernière décennie, n’a pas porté ses fruits et n’a pas permis de réduire les inégalités territoriales, sociales et économiques dans notre pays. Par conséquent, aujourd’hui, dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est le double de la moyenne nationale, un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, un sur quatre renonce à se soigner pour des raisons financières et les jeunes sont particulièrement victimes de discriminations. L’urgence est donc là : rétablir l’égalité républicaine entre tous les territoires, améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés et concentrer les moyens là où ils sont le plus nécessaires. C’est l’objet de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui s’articule autour de plusieurs axes ambitieux, mais dont le premier mérite est sans aucun doute d’être, en soi, un grand choc de simplification.

Il se donne pour objectif de refonder la politique de la ville ; de réformer sa géographie prioritaire ; de renforcer sa dimension partenariale ; de mener à bien un nouveau programme national de renouvellement urbain ; enfin, de renforcer la solidarité nationale et territoriale. Je voudrais développer quelques-uns de ses aspects qui me semblent fondateurs.

S’agissant de la réforme de la géographie prioritaire, organisée autour d’un nombre minimal d’habitants et de l’écart de développement économique et social, selon le critère du revenu des habitants par rapport à une référence locale et nationale, il était essentiel d’identifier des critères simples et transparents, comme l’est celui-ci. Nous serons néanmoins attentifs à la nature des dispositions transitoires pour les quartiers sortant du dispositif, afin que l’action de l’État, notamment dans les domaines éducatifs, de la santé et de la prévention de la délinquance, se poursuive sans relâche, car nous savons tous que, sur ce sujet, seuls les efforts de long terme paient.

Mon deuxième point est relatif à la mobilisation effective des moyens de droit commun de l’État : le ciblage des emplois d’avenir, la création de postes dans l’éducation nationale, l’affectation de fonctionnaires expérimentés, la création des ZSP, soit autant de moyens dont nous pouvons nous réjouir et qui fixent les moyens humains et financiers mobilisés au titre des politiques de droit commun.

M. Martial Saddier. Mais ils ne sont pas coordonnés !

M. Yves Blein. Enfin, l’un des aspects importants de ce texte est la question de la participation des habitants. Le projet de loi crée un conseil citoyen dans chacun des quartiers prioritaires de la ville. Il s’agit là d’un premier pas intéressant mais qui doit se poursuivre et constituer un véritable travail de long terme. Ces quartiers sont souvent marqués par des taux d’abstention records lors des élections. Leurs habitants ont besoin de retrouver le chemin de l’exercice de la citoyenneté. Pour autant, leur participation ne doit pas introduire de confusion, ni être mise en concurrence avec les missions légitimes des élus du suffrage universel, seuls à même de décider in fine au nom de l’intérêt général.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien ! Il fallait que ce soit dit !

M. Yves Blein. Mes chers collègues, nous écrivons aujourd’hui, à plusieurs mains, la feuille de route d’un grand nombre de quartiers de nos villes. C’est une belle partition, qui s’adresse à un très grand nombre de nos concitoyens pour qui la société moderne n’est pas tendre, pour qui la vie est rude, dure, jusqu’à les conduire, trop souvent, au désespoir et à la démission. Nous ne saurons que dans dix ans, dans quinze ans ou vingt ans si notre vision était la bonne mais une chose est sûre : ceux qui vivent dans nos quartiers ne peuvent pas attendre. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous voterons votre texte et appelons à sa mise en œuvre au plus tôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)