C’est la question qui a été posée – de manière il faut dire un peu comminatoire – à tous les parlementaires en cette rentrée 2016.

Le Président Hollande a confirmé dans ses voeux qu’il proposera au parlement une réforme de la constitution permettant notamment de déchoir de la nationalité les français disposant d’une autre nationalité si ceux-ci se sont rendus coupables d’un crime de terrorisme constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

A la différence de plusieurs de mes collègues députés – de la majorité comme de l’opposition – j’ai préféré ne pas répondre immédiatement et définitivement. Nous avons la chance de vivre dans une démocratie parlementaire, nous considérons donc que les débats à l’Assemblée et au Sénat sont utiles et nécessaires pour prendre des décisions légitimes. Réduire la longue délibération collective à des déclarations solennelles, à des “tweet clash”  quand il ne s’agit pas de postures dramatisantes ne me semble pas un signe de progrès civilisationnel.

J’estime au contraire, au delà des logiques de groupes politiques, qu’un élu de la Nation doit pouvoir se forger sa propre opinion à l’issue de discussions sérieuses et argumentées, et décider en son âme et conscience lorsqu’il s’agit de toucher à la Constitution, notre texte fondamental.

J’ai aussi dit que cette proposition de réforme ne me choquait pas et que je n’y étais pas aujourd’hui a priori défavorable.

Tout d’abord j’estime que la constitutionnalisation de l’état d’urgence est nécessaire pour rendre cet outil en phase avec la situation de quasi guerre dans laquelle notre pays est placé.

Ensuite parce que ce projet a le mérite de poser en ce début de millénaire la question de la Nation. Un drôle de concept né des lumières il y a plus de 200 ans. Un concept étrange pour lequel il n’existe pas de définition claire, univoque, stable. Un concept étonnant puisque qu’il s’incarne néanmoins dans le rassemblement de tous les citoyens détenant la puissance politique. Un concept utile enfin, puisque tous ces citoyens sont représentés par leurs élus, députés et sénateurs, qui font la loi en leur nom.

Réfléchir sur cette question et penser cette idée de Nation, cela ne fait finalement pas de mal !

Penser plutôt que réagir à chaud, c’est ce qu’on devrait attendre de tout responsable politique un peu sérieux. C’est en cela que j’ai parlé de nécessité de “changement de logiciel” pour certains politiques. Un logiciel, ça ne pense pas, ça exécute automatiquement des commandes. Pas génial pour gouverner…

Car la question de la Nation en 2016 est entière. Les grands enjeux de demain sont planétaires et on a bien conscience que les réponses strictement nationales ne sont plus suffisantes. On peut toujours se raccrocher à notre souveraineté nationale – ce pouvoir qui n’en connaîtrait aucun d’autre supérieur – on est bien avancé quand il s’agit de lutter contre le réchauffement climatique, la fin de la biodiversité, ou l’optimisation fiscale mondialisée.

Qu’est-ce que notre Nation aujourd’hui ? Qui en fait partie ? “Qui est in, qui est out ?” aurait chanté Gainsbourg…

A défaut de définition philosophique toujours délicate, on peut dire de manière assez prosaïque qu’est national celui qui est reconnu par l’Etat français. Et en la matière, le système français est un “mix” assez complexe de droit du sol et droit du sang. En résumant à grands traits, on peut dire qu’un enfant né de parents français est français, où qu’il naisse, et qu’un enfant né de parents étrangers en France a vocation à devenir français. C’est un système assez généreux qui ne demande ni de témoigner d’un attachement particulier à la France, ni de posséder une fortune dans le pays, ni de faire preuve d’amour pour la patrie. On peut être français sans aimer la France.

Mais inversement, peut on tuer aveuglément des compatriotes pour la seule raison qu’ils sont Français et continuer à se revendiquer de cette Nation ? Peut on vouloir détruire les fondements d’un pays et garder sa nationalité ?

Je ne le crois pas et je pense donc que la déchéance de nationalité est une sanction qu’il est légitime d’infliger à celui qui tue et veut détruire les fondements de la Nation dont il fait partie.

Dans l’absolu, il faudrait même pouvoir déchoir tout auteur d’un crime terroriste de la nationalité française, qu’il soit bi-national ou non. Mais les principes internationaux que la France a reconnus semblent interdire de rendre une personne apatride.

Enfin cette modification de la constitution ne va rien changer pour la quasi totalité de français, quel que soit le lieu de naissance ou la nationalité de leur parents. Tous les français quelle que soit leur origine, leur croyance, leur couleur, leur sentiment d’appartenance sont  – désolé pour le lyrisme – les enfants de la République. Il n’y a, ni aujourd’hui, ni demain, de fondement juridique ni d’intention permettant de traiter différemment des français qui sont et resteront libres et égaux en droits.

Tous les français… sauf les rarissimes extrémistes qui auront explicitement décidé de s’attaquer à ce qui constitue le fondement de notre Nation et pour qui, une fois la condamnation définitive et la peine purgée, pourraient se voir déchus de leur nationalité française.

Reste la question de l’efficacité de cette partie de la réforme. Je suis  aujourd’hui dans l’attente des arguments des uns et des autres. J’attends donc le texte final et la discussion au parlement avant de me prononcer définitivement et voter pour ou contre ce projet.