Le 8 janvier dernier, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale m’a nommé rapporteur du projet de loi relatif à l’économie sociale, déjà examiné en première lecture au Sénat en novembre. Le texte doit être examiné en commission du 15 au 17 avril, avant un passage en séance publique les 29 et 30 avril prochains. Alors que les auditions rapporteur ont débuté, présentation générale de ce texte.

Le concept d’économie sociale et solidaire (ESS) désigne un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations. Conciliant à la fois performance économique, innovation, et utilité sociale, ces entreprises adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs (1 salarié = 1 voix). Elles encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis.

Les structures et entreprises de l’économie sociale et solidaire apportent souvent une réponse aux nombreux défis sociaux et économiques que nous connaissons : vieillissement démographique (services aux personnes âgées), transition énergétique (recyclage), déscolarisation (éducateurs), économie numérique (crowdfunding), etc.

Dans le monde, l’économie sociale et solidaire représente 10% du PIB, 10% des emplois et 10% de la finance. Des lois-cadres ont été votées en Espagne (2011), en Equateur, au Mexique (2012) et au Portugal (2013). En Europe, l’ESS c’est près de 7% de la population salariée (11 millions d’emplois).

En France, l’ESS représente 10% du PIB et 10% des salariés (2,4 millions d’emplois) qui sont le plus souvent des emplois non-délocalisables, ancrés dans la vie des territoires. Sur les dix dernières années, les entreprises de l’ESS ont créé 440 000 emplois nouveaux (+23%), contre +7% pour l’ensemble de l’emploi privé. Ses besoins en recrutement sont estimés à 600 000 emplois d’ici 2020.

Le texte a pour but de concrétiser l’engagement pris par le Président de la République d’inscrire l’emploi au rang de priorité nationale, et de reconnaître la place du secteur de l’économie sociale et solidaire. Après la loi bancaire, ce texte tire les leçons de la crise et propose un autre modèle de développement économique et social. Le texte poursuit trois objectifs :

  • reconnaître le secteur,
  • le moderniser,
  • développer son financement.

Issu d’une année de travaux de consultation et de concertation des acteurs de l’économie sociale et solidaire, des acteurs de l’insertion par l’activité économique et des partenaires sociaux, ce texte donne des perspectives nouvelles à un secteur économique porteur et créateur d’emplois dans nos territoires.

1° – L’économie sociale et solidaire est définie et les politiques publiques en la matière inscrites dans la durée.

Ainsi, les apports des acteurs historiques du secteur (mutuelles, coopératives ou associations) sont reconnus. De même, les évolutions les plus récentes de l’entrepreneuriat social sont également prises en compte sous de nouvelles formes juridiques.

Le rôle du conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (niveau national) et celui des chambres régionales (niveau territorial) sont consacrés.

2° – Le projet de loi élargie le périmètre de l’économie sociale aux autres formes juridiques d’entreprises, sous réserve qu’elles intègrent des objectifs voisins des entreprises de l’ESS.

Pour favoriser la création d’activité par les demandeurs d’emploi, le projet de loi institue une nouvelle forme de coopérative, la coopérative d’activités et d’emploi.

Enfin, dans toutes les entreprises de moins de 250 salariés, le chef d’entreprise aura l’obligation d’informer préalablement ses salariés de son intention de céder. Les salariés auront ainsi l’opportunité, s’ils le souhaitent, de proposer une offre de reprise.

3° – Trois leviers d’action nouveaux sont mis en place afin de développer l’économie sociale et solidaire dans les territoires : les pôles territoriaux de coopération économique (sorte de « pôle de compétitivité de l’ESS ») ; les contrats de développement territorial pour les collectivités du Grand Paris ; la participation renforcée des collectivités locales dans le capital des sociétés coopératives d’intérêt collectif.

4° – Le financement du secteur de l’économie sociale et solidaire est amélioré.

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire jouiront d’un meilleur accès aux financements de Bpifrance. L’agrément « entreprises solidaires », qui devient l’agrément « entreprises solidaires d’utilité sociale », est désormais plus largement ouvert.

Le « titre associatif », instrument de financement des associations est modernisé, et de nouveaux outils sont créés pour permettre aux mutuelles (certificat mutualiste) et aux fondations (titre « fondatif ») de renforcer leurs fonds propres.

5° – Le régime juridique des différentes composantes de l’économie sociale et solidaire est modernisé et simplifié.

Une définition de la subvention publique est établie, afin de donner davantage de sécurité aux associations dans leurs relations avec les personnes publiques.

Un dispositif permet aux associations désireuses de fusionner, de bénéficier du maintien des agréments administratifs dont elles disposent. Les associations reconnues d’intérêt général se voient reconnaître la capacité de recevoir des libéralités, ainsi que d’acquérir et gérer des immeubles de rapport.

Quant aux 8 000 coopératives employant plus de 300 000 salariés, leur statut est rendu plus attractif, notamment par l’actualisation des dispositions applicables aux coopératives de commerçants, aux coopératives d’artisans, aux coopératives agricoles et aux SCOP.

Les mutuelles pourront désormais s’associer entre elles, quel que soit le code dont elles relèvent (code de la mutualité ou code des assurances), pour proposer des contrats collectifs de « coassurance » dans le cadre des futurs appels à projet que lanceront les employeurs au titre de la généralisation de la couverture complémentaire santé. Une nouvelle catégorie d’union mutualiste est créée pour permettre le regroupement de mutuelles de santé, de mutuelles ayant des activités sanitaires, sociales et culturelles et de toute autre structure de l’économie sociale et solidaire.